Meurtres en majuscules (25 page)

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Authors: Hannah,Sophie

Tags: #Policier

BOOK: Meurtres en majuscules
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Sur ce, il sortit de la chambre d’un pas martial.

 

J’avais envie de revenir à Londres au plus vite, mais Poirot voulut d’abord voir la tombe de Patrick et Frances Ive.

— J’aimerais y déposer quelques fleurs, mon ami, dit-il.

— On est en février, mon cher. Où comptez-vous trouver des fleurs ?

Cette remarque le fit ronchonner un moment à propos de l’exécrable climat anglais.

La pierre tombale était renversée sur le côté et couverte de traînées de boue. On distinguait plusieurs empreintes de pieds. Ces deux brutes épaisses de Frederick et Tobias Clutton avaient dû sauter dessus après l’avoir descellée avec une bêche.

Poirot ôta ses gants. Il se pencha et, de l’index de sa main droite, dessina les contours d’une grande fleur sur la terre, semblable à un dessin d’enfant.

— Voilà, dit-il. Une fleur éclose en février, malgré la rigueur du climat.

Puis il sortit un mouchoir de sa poche. Fasciné, je le vis alors s’en servir pour effacer les marques de pieds sur la pierre tombale. Le souffle court, il faillit une ou deux fois perdre l’équilibre.

— Voilà qui est mieux, non ?

— Oui. Bien mieux, confirmai-je, un peu ému, car pour une fois, malgré sa maniaquerie, Poirot s’était sali les mains et noirci les ongles.

— C’était un bien triste spectacle, comme on aimerait ne jamais en voir. Espérons que Patrick et Frances Ive reposent en paix et ensemble.

C’est le mot « ensemble » qui fit mouche dans mon esprit, en amenant son contraire, le mot « séparément ». Ce petit déclic dut se lire sur mon visage.

— Catchpool, que vous arrive-t-il ?

Ensemble, séparément…

Patrick Ive était amoureux de Nancy Ducane, mais dans la mort, il était enterré auprès de sa légitime épouse : Frances. Son âme avait-elle trouvé la paix, ou se languissait-elle de Nancy ? Et Nancy, s’était-elle posé la question ? Avait-elle souhaité que les morts puissent parler aux vivants ? Lorsqu’on perd comme elle son bien-aimé, on peut avoir envie de…

— Catchpool ! Qu’avez-vous donc en tête ?

— L’idée la plus grotesque qui soit. Je vais vous la confier, vous pourrez ainsi me traiter de fou.

Je la lui expliquai, passablement excité, en concluant que je me trompais sûrement.

— Oh non, mon ami, vous ne vous trompez pas, répondit Poirot, et ce fut à son tour de rester un instant ébahi. Mais bien sûr ! comment cela a-t-il pu m’échapper ? Mon Dieu ! Comprenez-vous ce que cela signifie ? Ce que nous devons en déduire ?

— Hélas non, je l’avoue.

— Ah. Dommage.

— Par pitié, Poirot, ce n’est pas juste ! Je vous ai exposé mon idée, et voilà que vous gardez la vôtre pour vous.

— Nous n’avons pas le temps d’en discuter maintenant. Nous devons nous dépêcher de rentrer à Londres. Vous irez derechef à l’hôtel Bloxham emballer les effets personnels d’Harriet Sippel et ceux d’Ida Gransbury.

— Quoi ? m’indignai-je, n’en croyant pas mes oreilles.

— Parfaitement. Les affaires de Richard Negus ont déjà été emportées par son frère, rappelez-vous !

— Je sais, mais…

— Ne discutez pas, Catchpool. Cela ne vous prendra pas longtemps de faire les valises de ces dames dans leurs chambres respectives. Ah, je comprends tout, enfin. Tous ces petits puzzles dispersés trouvent chacun leur solution et se mettent en place ! En fait, ça ressemble beaucoup à des mots croisés, savez-vous ?

— Je vous en prie, ne faites pas ce genre de comparaison. Vous allez finir par me dégoûter de mon passe-temps préféré.

— C’est lorsqu’on voit toutes les réponses ensemble que l’on sait pour de bon que chacune se vérifie, continua Poirot en m’ignorant superbement. Tant qu’il en manque, on peut encore découvrir qu’un détail qui semblait coller ne colle pas du tout.

— Dans ce cas, voyez-moi comme une grille de mots croisés complètement vide, dis-je.

— Plus pour longtemps, mon ami, plus pour longtemps. Poirot va devoir une dernière fois réquisitionner la salle à manger du Bloxham !

1
.
La Tempête
de William Shakespeare, Acte I Scène 2.

22

Meurtres en majuscules

L’après-midi de ce même jour, à 16 h 15, Poirot et moi attendions à une extrémité de la grande salle de restaurant du Bloxham que les gens aient fini de s’installer aux différentes tables. Les employés étaient arrivés à 16 heures pile, comme Luca Lazzari l’avait promis. Je souris en retrouvant les visages familiers de John Goode, Thomas Brignell, Rafal Bobak, et ils m’adressèrent en retour de petits saluts un peu crispés.

Sur le seuil de la salle, Lazzari parlait avec force gesticulations au constable Stanley Beer. J’étais trop loin pour saisir ce qu’il lui disait dans le brouhaha ambiant, mais je l’entendis distinctement faire plusieurs fois allusion à « ces meurtres au monogramme ». Or tout un chacun les nommait les meurtres de l’hôtel Bloxham, imitant en cela les titres des journaux.

Sans doute Lazzari espérait-il ainsi éviter que son établissement bien-aimé soit associé à cette sinistre affaire, et sa réputation ternie à jamais. La manœuvre était si évidente que sa naïveté m’irrita. Il faut dire que j’étais de fort méchante humeur, car je m’étais
évertué en vain à caser les effets d’Ida Gransbury dans sa valise. J’avais eu beau peser dessus de tout mon poids, impossible de la refermer. À croire qu’Ida Gransbury avait enrichi sa garde-robe durant son bref séjour au Bloxham. Pour ma part, quand je pars en voyage, j’emporte toujours le strict minimum. Sans doute faut-il, pour régler ce genre de problème, une touche féminine dont un rustre comme moi est totalement dépourvu. Quel soulagement ce fut quand Poirot me conseilla de laisser tomber afin de me rendre sans plus tarder à la salle de restaurant de l’hôtel pour y être à 16 heures, comme convenu !

Samuel Kidd, vêtu d’un élégant complet en flanelle grise, était arrivé à 16 h 05 avec à son bras une Jennie Hobbs bien pâlotte. Ils furent suivis deux minutes plus tard par Henry Negus, le frère de Richard, et dix minutes plus tard par un groupe de quatre personnes, dont Nancy Ducane. Elle avait les paupières rougies à force d’avoir pleuré. En entrant dans la salle, elle essaya en vain de dissimuler son visage en le couvrant en partie d’un foulard en soie diaphane noué autour de sa tête.

— Elle ne veut pas que les gens voient qu’elle a pleuré, murmurai-je à l’oreille de Poirot.

— Mais non. Elle porte un foulard en espérant qu’ainsi on ne la reconnaîtra pas, et non parce qu’elle a honte d’avoir pleuré. Vous les Anglais, vous êtes terribles. Il n’y a rien de mal à extérioriser ses sentiments, contrairement à ce que vous semblez penser.

N’ayant aucune envie qu’on en vienne à parler de mon cas personnel alors que Nancy Ducane m’intéressait bien davantage, je retournai à mon sujet initial.

— C’est vrai que dans ces circonstances, elle ne doit guère avoir envie d’être assaillie par une horde d’admirateurs venus se prosterner à ses pieds.

En revanche Hercule Poirot, qui était lui-même une sorte de célébrité, aurait vu sans déplaisir un groupe de fans s’agglutiner à ses guêtres… Comme il semblait sur le point d’entamer une nouvelle polémique à ce sujet, je l’en détournai par une question :

— Quelles sont les trois personnes qui accompagnent Nancy Ducane ?

— Lord St John Wallace, lady Louisa Wallace et Dorcas, leur soubrette, répondit-il, puis il tiqua après avoir vérifié l’heure à sa montre. Nous avons un quart d’heure de retard sur l’horaire prévu ! Pourquoi les gens ne peuvent-ils jamais être ponctuels ?

Je remarquai que Thomas Brignell et Rafal Bobak s’étaient levés comme s’ils avaient envie de prendre la parole, alors que la séance n’avait pas encore officiellement commencé.

— Je vous en prie, messieurs, asseyez-vous ! dit Poirot… Non, non, pas de précipitation, leur fit-il en voyant qu’ils étaient impatients de s’exprimer. Ces choses dont vous avez hâte de m’informer, sachez que je les sais déjà, et que je m’apprête à les révéler à toute l’assistance. Soyez patients, je vous en prie.

Calmés, Bobak et Brignell se rassirent. Je fus surpris de voir la femme brune assise à côté de Brignell chercher sa main. Leurs doigts se nouèrent, et au regard qu’ils échangèrent, je compris qu’ils étaient amoureux. Pourtant cette femme n’était assurément pas celle que Brignell enlaçait tendrement dans les jardins de l’hôtel.

— La femme que Brignell embrassait dans le jardin, à côté de la brouette, la femme au manteau marron, elle était blonde, n’est-ce pas ? me chuchota Poirot à l’oreille, puis il me fit un sourire énigmatique, avant de se tourner vers l’assemblée. Mesdames et messieurs, à présent que tout le monde est enfin arrivé, je vais vous demander le silence et réclamer toute votre attention, c’est entendu ? Merci beaucoup.

Tandis que Poirot parlait, je parcourus l’assistance du regard. Mais oui, ma parole ! C’était bien Fee Spring, la serveuse du Pleasant’s, assise au fond de la salle. Ça alors ! Comme Nancy Ducane, elle semblait vouloir dissimuler ses traits et portait un petit chapeau fantaisiste incliné bas sur le côté, sans mieux y réussir que Nancy. Elle me fit un clin d’œil, comme pour me dire, ah ah, je vous ai bien eus, hein ? car nous nous étions arrêtés pour boire un café au Pleasant’s et, sans nous méfier, nous lui avions dit où nous allions ensuite. Pourquoi diable cette petite maligne avait-elle quitté son service ?

— Vous devrez faire preuve de patience, aujourd’hui, prévint Poirot. Car je m’en vais devoir vous exposer une foule de choses que vous ignorez et ne pouvez comprendre pour l’instant.

Tiens, me dis-je, voilà qui répond parfaitement à mon état d’esprit du moment. Car j’en savais à peine plus que les femmes de chambre et cuisiniers du Bloxham, et sans doute bien moins que cette futée de Fee Spring. Poirot avait dû l’inviter à ce grand événement. Je ne comprenais pas et ne comprendrai jamais pourquoi il avait besoin d’une assistance aussi nombreuse. Nous n’étions pas au théâtre, que diable ! Quant à moi, lorsque je résous un crime, ce qui par chance m’est arrivé plus d’une fois et sans l’aide de Poirot, je me contente d’exposer mes conclusions à mon chef, puis de procéder à l’arrestation du criminel en question.

Je me demandai, trop tard, si j’aurais dû exiger de Poirot qu’il m’informe en premier de ses déductions avant de mettre en scène ce spectacle. Et j’étais là, censément en charge de l’enquête, sans avoir la moindre idée de la solution qu’il allait présenter pour résoudre ce mystère.

Pourvu qu’il s’en tire brillamment, priai-je. S’il a raison et que je suis à ses côtés, personne ne soup
çonnera la complète obscurité où j’errais encore juste avant son exposé.

— L’histoire est trop longue pour que moi seul je vous la raconte, au risque de perdre la voix, déclara Poirot à la salle. Je m’en vais donc solliciter l’intervention de deux autres orateurs. Tout d’abord, Mme Nancy Ducane, la célèbre portraitiste, qui nous a fait l’honneur de se joindre à nous aujourd’hui. Madame Ducane…

Ce fut une surprise pour tout le monde, sauf pour l’intéressée, qui en avait été avertie par Poirot, manifestement.

Des murmures respectueux remplirent la salle tandis que Nancy, son foulard toujours noué autour de la tête, venait se placer à côté de moi, face au public.

— Vous l’avez livrée sans vergogne à la foule de ses admirateurs, glissai-je à Poirot.

— Oui, convint-il en souriant. Pourtant, elle garde son foulard.

C’est un public captivé qui écouta Nancy Ducane raconter l’histoire de Patrick Ive : leur amour interdit, ses visites illicites au presbytère la nuit, l’affreuse calomnie répandue sur le compte de Patrick, prétendant qu’il soutirait de l’argent à ses paroissiens en échange de communications avec l’au-delà. Quand elle évoqua la rumeur qui avait déclenché toute l’affaire, elle ne mentionna pas nommément Jennie Hobbs.

Nancy expliqua comment elle avait fini par s’exprimer publiquement à l’auberge de Great Holling devant les villageois en avouant sa liaison avec Patrick Ive, qui n’était pas platonique, contrairement à ce qu’elle avait prétendu à l’époque. Quand elle raconta les fins tragiques de Patrick et Frances Ive par empoisonnement, sa voix trembla un peu. Je remarquai qu’elle ne s’étendait pas davantage sur la cause de leur mort, sans préciser s’il s’agissait d’un accident ou d’un sui
cide. Poirot l’avait-il priée de ne pas en parler, pour épargner Ambrose Flowerday et Margaret Ernst ?

— Je suis aussi attachée à Patrick que je l’étais jadis. Je ne cesserai jamais de l’aimer. Un jour, lui et moi, nous serons réunis, conclut Nancy Ducane avant de regagner sa place, mais Poirot l’arrêta au passage.

— Merci, madame Ducane, lui dit Poirot en s’inclinant, puis il baissa la voix. Je dois maintenant vous dire sans délai quelque chose que j’ai récemment découvert, car cela vous sera, je crois, d’un grand réconfort. Avant sa mort, Patrick écrivit… une lettre. Et dans cette lettre, il demandait qu’on vous dise qu’il vous aimait et vous aimerait toujours.

Nancy plaqua ses mains sur sa bouche pour étouffer un cri, et cligna plusieurs fois des paupières pour retenir les larmes qui lui montaient aux yeux.

— Monsieur Poirot, vous ne pouvez imaginer quel bonheur vous venez de m’apporter.

— Détrompez-vous, madame. Je l’imagine fort bien. Un message d’amour, transmis par l’être cher après sa mort… c’est comme un écho aux fausses rumeurs qui couraient sur Patrick Ive, l’accusant de transmettre des messages de l’au-delà. Qui ne souhaiterait recevoir de tels messages de l’être perdu et tant aimé ?

Lorsque Nancy Ducane eut regagné sa place, je vis son amie Louisa Wallace lui tapoter le bras.

— Et maintenant, reprit Poirot, une autre femme qui connaissait et aimait Patrick Ive va prendre la parole : son ancienne domestique, Jennie Hobbs. Mademoiselle Hobbs ?

Jennie se leva et alla se placer là où Nancy se trouvait l’instant d’avant. Elle non plus ne semblait pas surprise qu’on la prie d’intervenir.

— J’ai aimé Patrick autant que Nancy l’a aimé, déclara-t-elle d’une voix tremblante. Mais ce n’était pas réciproque. Pour lui, je n’étais qu’une fidèle servante
et rien de plus. Je suis celle qui a lançé ces atroces rumeurs sur son compte. J’ai proféré un impardonnable mensonge. J’étais jalouse de son amour pour Nancy. Je n’ai pas tué Patrick de mes mains, mais je crois que c’est cette calomnie qui a entraîné sa mort. J’en suis donc responsable, ainsi que trois autres personnes : Harriet Sippel, Richard Negus et Ida Gransbury, ces mêmes personnes qui ont été assassinées dans cet hôtel. Tous les quatre, nous en vînmes avec le temps à regretter profondément ce que nous avions fait. Au point de vouloir réparer nos torts et payer pour nos fautes. Et c’est dans ce but que notre plan fut établi.

J’observai les visages stupéfaits des employés du Bloxham tandis que Jennie définissait le plan qu’elle nous avait déjà exposé, à Poirot et à moi, chez Samuel Kidd, et racontait comment il avait échoué. Lorsqu’elle en vint à parler de la partie qui concernait Nancy Ducane, et de leur intention de la faire accuser des trois meurtres pour qu’elle soit pendue, Louisa Wallace poussa un cri d’horreur.

— Faire pendre une innocente pour trois meurtres qu’elle n’a pas commis, je n’appelle pas ça réparer les torts qu’on a causés, s’indigna St John Wallace. C’est de la perversion !

Personne ne contesta sa remarque, du moins à haute voix. Je remarquai que Fee Spring ne semblait pas s’offusquer de ces nouvelles, contrairement à la plupart des gens. Pourtant elle écoutait avec une fervente attention.

— Croyez-le ou non, je n’ai jamais voulu faire accuser Nancy Ducane, protesta Jennie. Jamais !

— Monsieur Negus, intervint Poirot. Monsieur Henry Negus, croyez-vous vraisemblable que votre frère Richard ait conçu un tel plan ?

Henry Negus se leva.

— Je ne saurais dire, monsieur Poirot. Certes le Richard que j’ai connu n’aurait jamais envisagé de tuer quiconque, mais celui qui est venu habiter chez nous dans le Devon il y a seize ans n’était plus le Richard que je connaissais. Oh, physiquement, c’était le même, mais pas intérieurement. Je dois avouer que je n’ai jamais réussi à vraiment connaître l’homme qu’il était devenu. Par conséquent, je ne puis conjecturer sur sa conduite éventuelle.

— Merci, monsieur Negus. Et merci, mademoiselle Hobbs, ajouta Poirot avec un manque d’enthousiasme manifeste. Vous pouvez vous asseoir.

Il se tourna vers l’assemblée.

— Vous voyez donc, mesdames et messieurs, que l’histoire de Mlle Hobbs, si elle est vraie, nous laisse sans meurtrier à arrêter et à traduire en justice. Ida Gransbury tue Harriet Sippel avec son consentement. Richard Negus tue Ida Gransbury, cette fois encore avec le consentement de cette dernière, puis il se supprime lui-même, Jennie n’arrivant pas pour le tuer comme elle s’y était engagée. Il se supprime, et fait passer sa mort pour un meurtre en verrouillant sa porte, en cachant la clef derrière un carreau descellé du foyer, et en ouvrant la fenêtre. La police devrait en déduire que la meurtrière, à savoir Nancy Ducane, a emporté la clef et s’est échappée par la fenêtre ouverte en s’aidant d’un arbre. Mais selon Jennie Hobbs, il n’y a pas eu de meurtrier, puisque personne n’a tué quiconque sans la permission de la victime !

Poirot marqua une petite pause, le temps de considérer l’assemblée.

— Pas de meurtrier, répéta-t-il. Pourtant, en admettant que tout ceci soit vrai, il nous reste deux criminels en vie qui méritent d’être punis : Jennie Hobbs et Samuel Kidd, qui ont conspiré pour piéger Nancy Ducane et la faire accuser de meurtre.

— J’espère que vous allez les arrêter tous les deux, monsieur Poirot ! lança Louisa Wallace.

— Ce n’est pas moi qui détiens le pouvoir d’ouvrir ou de fermer les portes des prisons anglaises, madame. Cette tâche revient à mon ami Catchpool ici présent, et à ses collègues. La mienne consiste à percer les secrets et à démêler la vérité du mensonge. Monsieur Samuel Kidd, veuillez vous lever, je vous prie.

Kidd obtempéra, visiblement mal à l’aise.

— Votre participation au plan initial consistait à déposer un mot sur le comptoir de la réception de l’hôtel, n’est-ce pas ? Un mot disant : « PUISSENT-ILS NE JAMAIS REPOSER EN PAIX. 121. 238. 317. »

— Oui, monsieur. Comme l’a dit Jennie.

— C’est Jennie qui vous a donné ce mot ?

— Oui, elle me l’a donné plus tôt dans la journée. Dans la matinée.

— Et vous deviez le déposer à quelle heure, à la réception ?

— Peu après 20 heures, comme l’a dit Jennie. Dès que je le pouvais, en m’assurant qu’il n’y avait personne à proximité.

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