The Running Man (17 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
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Un grand oiseau de nuit passa, frappant silencieusement l’air de ses ailes presque blanches.

— Aide-moi... à me mettre au volant...

— Tu n’es pas en état de conduire, Elton.

Après deux essais infructueux, Richards parvint à ouvrir la portière.

— Je peux au moins... faire ça pour toi, articula Elton avec ses lèvres sanglantes. Fausse piste... conduirai tant que je pourrai...

— Non.

— Laisse-moi partir ! cria Elton avec une grimace à la fois terrible et grotesque.

Epuisé par cet effort, il eut une toux creuse et finit par cracher un autre caillot, qui éclaboussa le pare-brise d’écarlate.

— Aide-moi. Trop lourd... pas la force. Pour l’amour de Dieu...

Pantelant, les mains glissant dans le sang épais, Richards réussit à le tirer sur le siège du conducteur. L’avant de la voiture ressemblait à un abattoir. Et Elton continuait à saigner. Richards n’aurait jamais cru qu’un corps humain pût contenir une telle quantité de sang.

Elton resta un moment affalé sur le volant, puis se redressa au prix d’un effort héroïque et démarra. La voiture zigzagua un moment, les feux stop s’allumant par saccades. Elle frôla quelques arbres et s’éloigna lentement, se maintenant à peu près au milieu de l’allée.

Richards pensait qu’Elton louperait le premier tournant, mais il n’entendit aucun bruit de ferraille, rien que le
thump-thump
erratique des cylindres, de plus en plus faible. Puis, il n’y eut plus que les bruits de la nuit et le sifflement lointain d’un avion. Richards réalisa qu’il avait laissé les béquilles dans la voiture – cette fois, il en aurait vraiment eu besoin.

Dans le ciel, les froides constellations diffusaient une pâle lumière bleutée. Il voyait son haleine se condenser devant lui. Il faisait plus froid, cette nuit.

Prudemment, il s’engagea dans le dédale du chantier.

Compte à rebours...
047

Dans une cave, il découvrit un tas de vieux sacs. Il tapa dessus pour chasser les rats et fut récompensé par un nuage de poussière irritante qui le fit éternuer. Une douleur fulgurante traversa son nez cassé. Il en aurait pleuré. Mais pas un seul rat. Ils étaient tous en ville : ici, il n’y avait rien à manger. Il se blottit de son mieux entre les sacs et sombra dans un sommeil hébété.

Il fut réveillé par la lumière de la lune qui entrait par un soupirail. Elle était bas sur l’horizon. Toujours pas de sirènes. Il devait être dans les 3 heures du matin.

Dans son bras blessé, le pouls battait douloureusement. La plaie ne saignait plus. La balle avait arraché un bon morceau de chair, mais l’os n’avait pas été touché. Encore heureux ! Sa cheville, par contre, ce n’était pas fameux. La douleur irradiait jusqu’à la cuisse. Le pied lui-même était insensible, comme détaché de son corps. Il faudrait sans doute des attelles pour immobiliser l’articulation. Sans doute...

Richards sombra de nouveau dans un sommeil agité.

Lorsqu’il se réveilla, il avait la tête plus claire. La lune était déjà haut dans le ciel. Mais ce n’était toujours pas l’aube. Et toujours pas de sirènes. Pourtant, il n’était pas tranquille. Il avait l’impression d’oublier quelque chose...

Bien sûr !
Il se redressa, le cœur battant. Avant midi, il fallait poster deux cassettes. Sinon, sa prime sautait.

Il fallait donc partir d’ici, trouver une boîte aux lettres... Et Bradley était en fuite, s’ils ne l’avaient pas déjà attrapé. De toute façon, Elton ne lui avait pas donné l’adresse de Cleveland.

Un gros animal (un cerf ? Il en existait donc encore ?) passa non loin. Il faillit pousser un cri de terreur. « Normal, se dit-il pour se calmer. Un citadin comme moi, perdu dans ce coin sauvage, au milieu des ruines d’un chantier abandonné... »

Respirant laborieusement par la bouche, Richards examina ses options et leurs conséquences.

1. 
Ne rien faire
. Attendre ici que ça se calme. Conséquences : l’argent qu’il gagnait, cent dollars de l’heure, cesserait de s’accumuler ce soir à 6 heures. Il continuerait à fuir pour rien, mais ils continueraient à le poursuivre, même s’il tenait jusqu’au bout des trente jours. La chasse à l’homme ne s’arrêterait pas avant qu’ils ne l’aient tué.

2. 
Envoyer les cassettes à Boston
. Cela ne nuirait pas à Bradley ni à sa famille, puisque leur rôle était déjà connu des autorités. Conséquences : (a) Les cassettes seraient certainement envoyées à Harding par les Chasseurs qui surveillaient le domicile de Bradley mais (b) ils retrouveraient quand même sa trace grâce au cachet de la poste, et reprendraient la chasse.

3. 
Envoyer les cassettes directement à la Fédération des Jeux à Harding
. Conséquences : les mêmes qu’en (b) ci-dessus. De toute façon, il serait reconnu dans n’importe quelle agglomération assez importante pour avoir une boîte aux lettres.

Il n’existait aucune bonne solution.

Merci Mme Parrakis. Merci.

Il se leva péniblement, attendit que le vertige se calme, et se mit en quête d’un objet pouvant servir de béquille (quelle crétinerie d’avoir oublié les vraies dans l’auto !). Il finit par dénicher une planche qui avait à peu près la bonne longueur.

Après avoir monté les marches coulées dans le béton, Richards se retrouva à l’air libre. Il se rendit compte qu’il pouvait voir ses mains. A l’est, une lueur grise, hésitante encore, annonçait le jour. Il regarda avec regret l’immense et chaotique chantier.
Dommage. Ç’aurait fait une bonne cachette
.

Regrets inutiles. Se cacher ne valait rien. Il fallait courir, toujours courir, comme le lièvre devant les chasseurs.

Des serpents de brume rampaient entre les arbres dénudés. Richards s’arrêta un moment pour s’orienter, puis partit vers les bois qui bordaient le chantier au nord.

La béquille n’était pas très confortable, mais le soulageait quand même beaucoup.

Compte à rebours...
046

Il faisait grand jour depuis deux heures. Richards commençait à se demander s’il ne tournait pas en rond lorsqu’il entendit, non loin devant lui, le chuintement plaintif d’air-cars filant à pleine vitesse.

Peu après, allongé dans les fourrés, il vit la route. Une simple route à deux voies. Il n’y avait pas beaucoup de circulation. A un demi-kilomètre environ sur la droite, se trouvait un groupe de maisons. Il aperçut deux pompes à air. Sans doute un garage ou une petite station-service.

Il continua à avancer, parallèlement à la route. Son visage et ses mains étaient griffés par les ronces, ses vêtements étaient pleins de boules de bardane et de graines duveteuses. Il y en avait tellement qu’il n’essayait plus de les ôter. De plus, il était mouillé de la tête aux pieds. En traversant un ruisseau à gué, sa « béquille » avait glissé sur la vase et il s’était étalé de tout son long. La caméra était intacte. Elle était à l’épreuve des chocs et de l’humidité. Bien sûr.

La végétation devint plus clairsemée. Il continua à genoux, le plus loin possible, puis s’assit pour faire le point.

Il se trouvait sur une petite butte couverte d’herbes hautes et sèches ; autour de quelques souches d’arbres, des rejetons s’obstinaient à pousser. Au-dessous de lui, la route, bordée d’une poignée de bungalows. Un magasin aussi, avec les deux postes à air, quelques distributeurs de chewing-gums et un de haschisch. Juste à côté de ceux-ci, une boîte aux lettres bleu et rouge. S’il était arrivé avant le jour, il aurait pu poster les cassettes sans être vu.

Adieu veau, vache, cochon, couvée...

Avant tout, il fallait enregistrer les cassettes. Il trouva un endroit plus abrité et sortit la caméra.

« Bonjour ! commença-t-il. Bonjour à vous, habitants du beau pays du Libertel ! Ici votre joyeux ami Ben Richards, qui fait son petit trek annuel dans la nature sauvage. En regardant bien, vous verrez peut-être le hardi cardinal écarlate ou l’oiseau-vache tacheté. Hélas, le porc ailé à ventre jaune est devenu rare. »

Il marqua une pause.

« Ils me laisseront sans doute dire ça, mais le reste sera sûrement coupé. Si vous êtes sourds et savez lire sur les lèvres, écoutez-moi bien. Dites-le à vos amis et voisins. Ecrivez-le partout. Le Réseau empoisonne l’air que vous respirez et vous prive intentionnellement d’une protection efficace et bon marché. Il agit ainsi pour... »

Il enregistra les deux cassettes et les mit dans la poche de son pantalon. Et ensuite ? La seule possibilité, c’était d’y aller pistolet au poing, de poster les cassettes et de s’enfuir. Ou alors voler une voiture. Dans les deux cas, sa présence serait aussitôt signalée. Il repensa au pauvre Parrakis. Il n’avait pas dû aller loin...

Il avait sorti le pistolet et s’apprêtait à y aller lorsqu’une voix le fit sursauter :

— Ici, Rolf !

Des aboiements de plus en plus proches, un bruit de branches cassées... Il eut tout juste le temps de penser
Des chiens ! Ciel ! ils ont des chiens policiers !
lorsqu’une forme marron foncé, énorme, surgit des taillis et se jeta sur lui.

Le choc lui fit lâcher le pistolet. Il se retrouva sur le dos tandis que l’animal, un bâtard de berger allemand, lui léchait le visage avec sa langue baveuse, agitant vigoureusement la queue en signe de joie.

— Rolf ! Ici ! Rolf ! Veux-tu...

Richards entrevit des pieds chaussés de baskets, des jambes vêtues de jeans ; un jeune garçon attrapa le chien par le collier et l’entraîna en s’arc-boutant de toutes ses forces.

— N’ayez pas peur, m’sieur. Il est pas méchant, il mord pas. Il veut jouer, c’est tout... Ben dites donc, vous êtes dans un drôle d’état ! Vous vous êtes perdu ?

Tenant toujours le chien par le collier, le garçon regardait Richards sans dissimuler son intérêt. Un gosse solide, bien bâti, d’une douzaine d’années, sans la pâleur maladive des petits citadins. Son expression était étrange. Il fallut à Richards un bon moment pour l’identifier. C’était tout simplement de l’innocence.

— C’est ça, je me suis perdu.

— Vous avez dû vous faire drôlement mal, en tombant ?

— Je crois bien. Tu peux regarder mon visage de près, pour voir si je suis très égratigné ? Je ne me vois pas, tu comprends.

Le gosse se pencha et examina attentivement le visage de Richards. Son expression ne changea pas.

« Au moins un qui ne regarde pas le Libertel », se dit Richards, rassuré.

— Vous êtes pas mal griffé et ça saigne un petit peu. Rien de grave.

Il y avait comme de l’ironie dans sa voix, mais c’était dû à son accent légèrement nasillard.

— Vous vous êtes échappé de Thomaston ? Pas de Pineland, en tout cas : vous ne ressemblez pas à un débile.

— Je ne me suis échappé de nulle part, répondit Richards, se demandant si c’était la vérité ou un mensonge. Je faisais du stop. Une mauvaise habitude. Ça t’arrive d’en faire ?

— Oh non, jamais ! Papa dit qu’il y a trop de cinglés sur les routes.

— Il a raison. Mais il fallait que j’aille en vitesse à... (Il fit claquer ses doigts, comme si le nom lui échappait.) Tu sais bien, le jetport.

— Voigt Field ?

— C’est ça.

— Vous n’êtes pas arrivé, m’sieur. C’est à cent cinquante kilomètres d’ici, près de Derry.

— Je sais, dit Richards en soupirant.

Il passa la main dans l’épaisse toison de Rolf, qui se coucha obligeamment sur le dos et se laissa caresser. Richards réprima une forte envie de ricaner et une envie, tout aussi forte, de pleurer.

— A la frontière du New Hampshire, trois types m’ont pris en stop. J’aurais jamais dû monter avec eux. Des vrais durs. Ils m’ont passé à tabac et m’ont volé mon portefeuille avant de me laisser dans une sorte de chantier abandonné.

— Je connais. Dites, m’sieur, vous voulez venir à la maison boire un café et vous laver un peu ?

— J’aimerais bien, mon gars, mais je n’ai vraiment pas le temps. Il faut absolument que je sois au jetport ce soir.

— Vous allez encore faire du stop ? demanda le gosse en ouvrant de grands yeux.

— Il faut bien. (Richards commença à se redresser, puis se rassit brusquement, comme s’il avait eu une inspiration subite.) Ecoute, tu veux me rendre un service ?

Le regard du gamin devint soupçonneux.

— Ça dépend.

Richards sortit les deux cassettes.

— Ce sont des justificatifs de crédit. Si tu les postes sans perdre de temps, ma banque m’enverra de l’argent à Derry. Et tous mes problèmes seront réglés.

— Même sans adresse dessus ?

— Ça y va automatiquement. C’est prévu.

— Bon, d’accord. Il y a une boîte devant chez Jarrold. Allez, Rolf, viens !

Son visage montrait clairement qu’il ne croyait pas un mot de ce que Richards racontait. Ce dernier laissa le gosse faire quelques pas, puis le rappela :

— Reviens ! J’ai autre chose à te dire.

Le gamin revint, visiblement méfiant, et même un peu effrayé. « Il y a de quoi, se dit Richards : mon histoire est vraiment un peu grosse. »

— Je crois qu’il va falloir que je te dise tout. Ce que je t’ai raconté n’était pas un mensonge, mais ce n’était pas toute la vérité. Et je ne veux pas que tu racontes des bêtises à mon sujet.

Le soleil d’octobre réchauffait agréablement ses membres engourdis et douloureux. Ah ! somnoler toute la journée sur cette colline ! Il reprit le pistolet, qui était tombé entre des herbes touffues, et le posa à ses pieds, bien en évidence. Le gosse se mordit les lèvres.

— Services secrets, dit Richards flegmatiquement.

— Ça alors ! murmura le gosse.

Assis à côté de lui, Rolf haletait en tirant sa longue langue rose.

— Je suis à la poursuite d’une bande de types très dangereux. Tu as vu comment ils m’ont arrangé. Il
faut
que ces cassettes partent sans tarder.

— Vous pouvez compter sur moi, dit le garçon, tout haletant. Eh ben, quand je raconterai ça à...

— A
personne
 ! N’en parle absolument à personne avant demain soir. Cela pourrait avoir des conséquences très graves, et il y aurait des représailles. Tu as bien compris ?

— Oui, m’sieur. J’ai compris, m’sieur.

— Alors, vas-y vite, mon gars ! Et merci !

Tout fier, le gamin serra la main qu’il lui tendait.

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